Vendredi 19 Août 2022.
Cela s'est passé il y a 78 ans mais nous n'oublions pas !
Chantal Schuller-Rochet.
Rappel des événements de 1944
Il était environ neuf heures du matin, ce samedi 19 août 1944 quand on a extrait les prisonniers de leurs cellules bétonnées de la rue du Docteur-Chaussier à Dijon. Embarqués à bord de deux tractions avant Citroën, les quatre condamnés étaient liés deux à deux par des menottes. Ils sont encadrés par huit agents de la Gestapo, Allemands, Tchécoslovaques et Français, tous sous les ordres du lieutenant Pfeiffer. Marcel Béninger est en compagnie d'Yves Barbier dans une voiture, Claude Leguyader et Jean Rochet sont dans celle conduite par le lieutenant Pfeiffer. Ils avaient tous les quatre été condamnés à mort par le commandant Ulf.
On traverse la ville à vive allure. Jean Rochet tente en vain d'attirer l'attention de quelques passants afin qu'on prévienne sa famille. Agacé, le lieutenant Pfeiffer actionne alors la manette qui permettait de relever le store arrière de la Citroën. Les voitures prennent bientôt la route d'Is-sur-Tille. Quelques kilomètres passent avant que le lieutenant commandant la sinistre expédition n'ordonne de s'arrêter en bordure du bois de Norges. Les assassins poussent alors leurs prisonniers devant eux. On s'enfonce dans les taillis. Enfin, Pfeiffer montre l'exemple. Il empoigne Jean Rochet par la veste, le tire contre un arbre en disant « Par ici ! ». Le survivant se souvenait : « Brusquement, il s'est rejeté de côté et j'ai senti comme une explosion dans la tête. Je me suis senti sauter en l'air « raide ». J'ai perçu des coups de feu puis lorsque je suis revenu à moi, j'étais allongé à terre et je sentais Le Guyader qui, toujours attaché à moi, remuait. A cet instant, j'ai perçu comme un écran noir qui s'avançait vers moi. Il s'est arrêté et j'ai revu alors clair d'un oeil. J'ai vu des brindilles et de l'herbe par terre et ma conscience est revenue petit à petit. Je me disais : « Je ne suis pas mort, je vais peut-être m'en tirer ». J'ai perçu également la clé des menottes qui, introduite dans celles-ci, me libérait les poignets. Quelqu'un s'est penché sur moi et m'a retourné une deuxième fois, du moins j'en ai eu l'impression, puis, par la veste, on m'a traîné sur 5 ou 6 mètres. On m'a regardé encore une fois, on m'a retourné encore une fois et on m'a laissé le visage contre terre. » (Jean ROCHET, extrait de déposition devant Monsieur le Premier Procureur de Dortmund, Allemagne Fédérale, le neuf décembre 1981).
Environ une heure plus tard, des paysans découvraient le massacre et l'existence d'un survivant. Prenant un tombereau de paille, Messieurs Frochot, Brocard et Vaufrey partent le secourir et le ramènent dans la cuisine de la ferme Frochot. Là, on prévient le médecin du village qui donne les premiers soins.
On assure aussi la sécurité des lieux en évitant tout rassemblement suspect et en mettant les enfants à l'abri. Dans le même temps, des volontaires vont chercher les corps des suppliciés afin de leur offrir une sépulture décente. « Il fallait beaucoup de courage, à une femme surtout, pour affronter de tels dangers. Que tous ceux qui, à cet endroit, n'hésitèrent pas à courir le risque d'être abattu à leur tour, trouvent aujourd'hui leur récompense dans le fait de m'avoir sauvé la vie et d'avoir rendu à leur famille les dépouilles de mes camarades qui seraient demeurées inconnues » (Jean ROCHET, allocution lors de la première cérémonie du souvenir après la Libération).
Jean Rochet, mon oncle.